En Orient, le dragon, 龙 long, est une créature bienveillante, de bon augure et de nature bénéfique, alors qu’en Occident, le dragon est un monstre hideux, malfaisant, symbolisant la terreur et le mal. Comment ces créatures similaires peuvent-elles être si opposées ? Comment peut-on au mieux interpréter l’image du dragon dans la mythologie chinoise ? Jin Longshou, auteur du livre La Légende du dragon noir, tente de répondre à ces questions.
China News Service : Pourriez-vous nous présenter brièvement votre ouvrage, La Légende du dragon noir ? Pourquoi avez-vous consacré plus de dix ans à la rédaction de ce mythe ?
Jin Longshou : Mon livre retrace l’histoire du « fleuve du dragon noir », le heilongjiang, que les Occidentaux nomment le fleuve Amour. Pendant dix ans, j’ai parcouru toutes les régions le long de ce fleuve, faisant des enquêtes et des recherches, afin de recomposer, de la manière la plus fidèle possible, la légende du dragon noir.
En fait, le « fleuve du dragon noir » portait initialement le nom du « fleuve du dragon blanc ». Dans les mythes anciens, un dragon blanc vivait dans le fleuve. Il soulevait d’énormes vagues et provoquait de graves inondations et destructions partout sur son passage. Les habitants de la région étaient désespérés et furieux. Un dragon noir, témoin de ces catastrophes, a décidé de chasser le monstre. Avec l’aide des habitants, le dragon noir a fini par gagner le combat titanesque contre le dragon blanc. Finalement, il s’est avéré que le dragon noir était un Dieu. Il s’est envolé et a disparu, continuant à protéger les habitants sur terre. Afin de commémorer ce Dieu sauveur, les gens ont changé le nom du fleuve en « fleuve du dragon noir ».
CNS : Quelles sont les différences entre le dragon chinois, 龙 long, et le dragon occidental ? Pourquoi existe-il une opposition fondamentale ?
Jin Longshou : En Chine, le dragon est une créature mythique et mystérieuse. Il a un corps de serpent, des écailles de poisson et des bois de cerf. Symbole de sagesse et de force, le long est l’emblème impérial de la nation chinoise. Pour le peuple chinois, il représente également l’intelligence et le bonheur. En outre, ayant le pouvoir d’apporter la pluie et le beau temps, le dragon chinois joue un rôle bénéfique pour l’agriculture et symbolise ainsi la prospérité.
Contrairement au long bienveillant, le dragon, dans la civilisation occidentale, est un monstre maléfique représentant la terreur, le mal ou le péché. Comme en latin, draco signifie à la fois dragon et serpent, le dragon de l’Occident est souvent associé au serpent, plus particulièrement au tentateur de la Genèse, qui a poussé Adam et Ève à goûter le fruit défendu. D’ailleurs, le Nouveau testament raconte l’histoire du démon Satan, prenant la forme d’un dragon rouge et combattant l’Archange Michael mais qui finit par être terrassé. Dans la mythologie occidentale, le dragon est en général un monstre que le héros doit combattre.
Les différences entre le dragon chinois et le dragon occidental résident dans le fait que les Orientaux et les Occidentaux ne partagent pas la même idéologie, plus précisément, leurs perceptions et compréhensions de la nature se distinguent les unes des autres. Dans la culture occidentale, on a tendance à considérer que les forces de la nature et les phénomènes inconnus sont incontrôlables, destructifs, et que l’Homme, notamment les héros, doivent tenter de les mater. L’héroïsme de certains individus est vivement apprécié dans la société occidentale.
Or, étant donné que la Chine est fortement influencée par le taoïsme, le confucianisme et le bouddhisme, le peuple chinois cherche davantage à coexister harmonieusement avec la nature et les divinités. Le long, crachant de l’eau ou du feu, vivant dans le ciel ou dans l’eau, réunit en lui les éléments opposés de la nature ainsi que le dualisme du Yin et du Yang. Symbolisant la sagesse, l’équilibre, la paix et la prospérité, le long est un être vénéré dans les cultures orientales. D’ailleurs, les Chinois aiment à dire qu’ils sont des « descendants du dragon ».
CNS : Dans quelle mesure la « culture du long » se reflète-t-elle dans la vie du peuple chinois ? Et suite aux nombreux échanges culturels internationaux, comment le dragon chinois est-il perçu en Occident aujourd’hui ?
Jin Longshou : La « culture du long » règne en Chine depuis des siècles.
D’abord, nous pouvons découvrir diverses images du dragon lors des festivals traditionnels, tels que le Nouvel An chinois et le festival du Bateau-Dragon, appelé également la « fête de duanwu ». Ensuite, le long est l’un des douze animaux du zodiaque chinois parmi lesquels il est la seule créature imaginaire. Par ailleurs, nous retrouvons le motif du dragon sur divers objets archéologiques de la Chine antique : jades, poteries, peintures, meubles et monuments, ainsi que dans la création artistique moderne. De plus, le caractère long (龙) apparaît souvent dans les noms des Chinois en raison de son bon augure : par exemple, le nom chinois de Bruce Lee est Li Xiaolong (李小龙) et celui de Jackie Chan est Cheng Long (成龙).
En résumé, à travers le temps et l’espace, le dragon est ancré dans le quotidien, les mœurs et l’esprit de tous les Chinois. Il s’avère être le véritable totem de la nation. Grâce aux multiples échanges culturels entre l’Orient et l’Occident, la « culture du long » commence à mieux se faire connaître en Occident et gagne de plus en plus d’amateurs.
Traduction : WU Mengni
Cet article a été initialement publié en chinois sur Chinanews.com.cn
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